Adrien, quelques remarques en réponse. Si la démocratie et la délégation de pouvoir étaient toujours basées sur la confiance, on aurait 100% de taux de participation. On en est loin. Aujourd'hui en France, on peut être élu avec 25% des inscrits, à peine. Donc la notion même d'intérêt commun se dissout, malheureusement.
Ensuite si la délégation est peer-to-peer, d'un individu à un autre, alors tu as raison, on est dans l'horizontal. "Tu peux me prendre une baguette à la boulangerie" ne suppose que peu de transfert de pouvoir et de responsabilité. Quoi que. Mais quand on organise une délégation collective, dont je ne nie pas le besoin, on crée une hiérarchie, celle du nombre : je pèse tant de voix, je représente plus que la somme de ceux qui m'ont amené là. C'est la magie d'un système et ses limites.
Enfin, telle que je la comprends, ta dernière phrase semble faire de la verticalité une donnée inéluctable de la vie biologique. Et ça, j'ai bien envie de le remettre en question. D'abord parce que "la compétition", le struggle for life, n'est pas la règle de la vie, contrairement à ce que peut amener à penser une forme non-digérée du darwinisme. Ce qui prévaut sur le combat et la compète, dans le monde vivant, c'est la collaboration, pas l'affrontement. De l'amibe aux oies sauvages en passant par les fourmis et les marmottes, la vie sociale naît de l'entraide avant de se heurter au meilleur gagne. Tout ça pour dire que la verticalité est seconde, parfois utile - mais encore faut-il la placer au juste niveau - mais pas plus naturel que n'importe quel autre système relationnel. Parfois, il me semble qu'une bonne soirée de palabres est plus efficace pour prendre une décision qu'une oukase isolé d'un chef, même s'il l'assume, parce que je m'en laverais les mains et le reste des concernés aussi. Et donc je délègue une responsabilité qui au fond aurait dû rester mienne.
Ma conviction, très kantienne : ce qui fait de moi un individu libre, c'est ce que j'assume de ma responsabilité sur le monde. D'où mon travail local pour faire en sorte qu'un maximum d'exclus - a priori - se sentent impliqués dans des projets peut-être accessoires, mais qui rendent de la dignité à chacun.